enfant regard appareil photo

La photographie et le droit à l'image dans la rue, les lieux publics et privés

En tant que photographes ou vidéastes amateurs ou professionnels, vous vous êtes sûrement déjà demandés si vous aviez le droit de prendre des gens dans la rue et d’utiliser ensuite les photos ou les vidéos sur votre site web, réseaux sociaux etc. Cet article vous aidera à y voir plus clair sur le droit à l’image des personnes sur vos photos/vidéos, et comment il s’applique dans le droit français.

Cette problématique concerne surtout les photos faites dans la rue, avec des passants, mais également dans tous les lieux publics. Nous expliquerons aussi quelle législation s’applique dans les lieux privés. Cette problématique ne concerne uniquement que les personnes reconnaissables, par exemple si leur visage est sur l’image ou un tatouage les identifiant de façon certaine.

Cet article s’inspire de la formidable vidéo de Joëlle Verbrugge, avocate, et Sébastien Roignant, photographe de mariage, que nous vous invitons à aller écouter après lecture de cet article.

Le droit à l'image n'est pas le droit d'auteur !

Le droit à l’image est le droit de la personne représentée sur la photo, et c’est sur ce point particulier que cet article est basé, mais il s’agit aussi du droit du propriétaire du bien présent sur la photo et du droit des créateurs: œuvres d’art, dessins, marques, graffiti… Les sources du droit à l’image sont les suivantes: code civil article 9, convention européenne des droits de l’homme, code pénal pour toutes les photos prises dans un lieu privé.

Le droit du photographe/vidéaste sur son image est un droit d’auteur. Il tire sa source du code de la propriété intellectuelle et du droit européen de la propriété intellectuelle. Il concerne tout ce que l’auteur de l’image pourra faire avec sa photo.

Ce sont donc deux droits qui “s’opposent”. Dans tout litige concernant le droit à l’image, le droit d’auteur est lui aussi présent, il s’agira pour le magistrat de gérer les deux en veillant aux droits de la personne représentée et du photographe. En matière de droit à l’image, en principe, tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé. En matière de droit d’auteur, c’est l’inverse: si je fais une cession de droit pour une certaine utilisation, l’entreprise à qui je cède ces droits n’a pas le droit d’utiliser mes images pour une autre utilisation par exemple.

Droit à l'image et lieu public

Utilisation à des fins artistiques

Pour comprendre en vidéo comment fonctionne le droit à l’image dans la rue, nous vous invitons à commencer par cette vidéo de la chaine formidable de Chris de Som Picture.

L’utilisation à des fins artistiques (livre, tirages etc) a pour référence le jugement en 2008 de François-Marie Banier, pour son livre Perdre la tête. Ici, le tribunal de grande instance et la cour d’Appel ont jugé que la liberté d’expression artistique était plus importante que le droit à l’image de la personne représentée qui se plaignait de l’utilisation de son image.

Techniquement, d’après les conclusions de la cour d’Appel, nous avons le droit de photographier et d’utiliser l’image de personnes dans des lieux publics, sauf dans deux cas, reconnus par la Cour d’Appel en 2008:

  • si la photo est contraire à la dignité humaine
  • si la personne reconnaissable sur la photo démontre que la photo lui a causé des conséquences d’une particulière gravité

Attention toutefois, on ne peut pas connaitre la vie privée des personnes photographiées, un couple qui s’embrasse dans la rue n’a peut être rien à faire ensemble, et une photo d’eux publiée peut donc avoir pour eux des conséquences d’une particulière gravité ! Le mieux est donc de prendre la photo/la vidéo, puis de la montrer aux personnes concernées et de leur proposer de leur envoyer par mail par exemple, afin de créer un premier contact et de pouvoir discuter avec eux avant d’être poursuivi en justice !

Si vous faites des photos de modèles dans la rue pour montrer votre travail et ensuite vendre votre prestation, il s’agira d’une utilisation commerciale et non d’une utilisation à des fins artistiques.

Droit à l'information

Chaque fois que la photo va être utilisée pour illustrer une information, il faut que le photographe puisse être ne mesure de démontrer que:

  • la photo est en lien direct avec l’actualité
  • la photo est nécessaire à l’information
  • la personne est concernée par l’actualité

Par exemple des manifestants dans la rue sont tout à fait concernés par l’actualité ! La photo peut donc être utilisée pour illustrer cette actualité.

Utilisation commerciale

L’utilisation commerciale concerne tous les cas où on veut promouvoir une idée, un service, un produit.

Par exemple pour nous photographes de mariage, l’utilisation de photos à des fins promotionnelles sur notre site est considérée comme une utilisation commerciale. Il faut donc une autorisation écrite de chaque personne représentée, indiquant les supports sur lesquels l’image va être diffusée et la durée de diffusion de l’image. Nous y reviendrons dans la partie sur le droit à l’image dans les lieux privés.

Le cas des lieux privés

Dans un lieu privé, attention, les règles changent !

Un lieu est considéré comme privé en sens du droit à l’image dès lors qu’il a été réservé par exemple pour un évènement, ou qu’il faut montrer sa carte d’identité en entrant.

Photographier ou filmer quelqu’un dans un lieu privé sans son autorisation est une atteinte au droit à l’image de la personne et peut donner lieu à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Publier les photos ou les vidéos ainsi obtenues peut donner lieu à une nouvelle année d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende supplémentaires.

Pour éviter tout ça, il faut se munir d’une autorisation écrite signée par la personne que vous prenez en photo et qui comprendra:

  • les différents supports de diffusion de l’image
  • la durée de diffusion de l’image

Si la personne en question est mineure, il faudra l’autorisation écrite des deux parents ou du responsable légal.

photographe voile mariée

Dans le cas de mariages par exemple, où il est quasiment impossible de récupérer les autorisations de chaque invité, il est important d’ajouter une clause au contrat spécifiant que les mariés doivent s’assurer que les invités ne s’opposeront pas à la prise de vue.

Dans le cas où vous souhaiteriez publier les photos de certains invités, ajoutez également au contrat que les mariés vous mettront en relation avec les invités en question. L’accord que les mariés vous donnent ne les concerne qu’eux !

Pour pouvoir publier quelques photos de vos mariés, il est donc important d’ajouter une clause au contrat indiquant les différents supports sur lesquels vous publieriez leurs photos, ainsi que la durée de diffusion de l’image. La clause dans le contrat peut inciter les mariés à autoriser l’utilisation de quelques images, par exemple en proposant une ristourne sur le tarif, ou un supplément de prix s’ils n’acceptent pas (mais les mariés peuvent se sentir un peu pris en otage avec cette clause).

Et à l'étranger ?

Attention, la jurisprudence détaillée dans cet article n’est valable que pour la France, à l’étranger il s’agira de la jurisprudence du pays en question. Étant donné que le droit français est souvent plus strict que dans les autres pays, si vous êtes sûrs de pouvoir utiliser l’image en France, à priori il n’y aura pas de problème.